Résurrection du fils de la veuve de Naïn, homélie le dimanche 21 octobre 2012



Résurrection du fils de la veuve de Naïn, homélie le dimanche 21 octobre 2012
Lc 7, 11-16: En ce temps-là, Jésus se rendit dans une ville appelée Naïn. Ses disciples faisaient route avec lui, ainsi qu’une grande foule. Quand il arriva près de la porte de la ville, on portait juste en terre un mort, un fils unique dont la mère était veuve, et une foule considérable de la ville accompagnait celle-ci. En la voyant, le Seigneur fut pris de pitié pour elle et il lui dit : « Ne pleure plus ». Il s’avança et toucha le cercueil ; ceux qui le portaient s’arrêtèrent ; et il dit : « Jeune homme, je t’ordonne, réveille-toi ». Alors le mort s’assit et se mit à parler. Et Jésus le rendit à sa mère. Tous furent saisis de crainte, et ils rendaient gloire à Dieu en disant : « Un grand prophète s’est levé parmi nous et Dieu a visité son peuple ». Et ce propos sur Jésus se répandit dans toute la Judée et dans toute la région.

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Avant Jésus deux autres prophètes du peuple d’Israël ont ressuscité des morts. Il s’agit d’Elie et d’Elisée. Le parallèle que Luc établit ici entre ces deux grands hommes de l’Ancienne Alliance et le Christ est frappant. A sa lumière on comprend mieux la conclusion de ce récit et la réaction des témoins du miracle : « Un grand prophète, disent-ils, s’est levé parmi nous et Dieu a visité son peuple ». Le Seigneur Jésus est un grand prophète, c’est le prophète attendu, celui que tous les autres prophètes d’Israël annonçaient et préfiguraient, celui par qui Dieu a visité son peuple.

Le premier livre des Rois raconte (17, 17-24) qu’une veuve de Sarepta venait de perdre son fils. Le prophète Elie qu’elle avait nourri avec tout ce qui lui restait, par temps de famine, prit son fils mort des bras de sa mère, « le porta dans la chambre haute où il logeait, et le coucha dans son lit » (1 R 17, 20). Puis il invoqua le Seigneur, s’étendit trois fois sur l’enfant et, par sa prière, lui rendit le souffle de la vie. Il le remit ensuite à sa mère en disant : « Regarde ! Ton fils est vivant ». Et la veuve lui répondit : « Oui, maintenant, je sais que tu es un homme de Dieu, et que la parole du Seigneur est vraiment dans ta bouche » (1 R 17, 23-24).

Elisée a fait la même chose : il avait aidé une femme Shounamite à mettre au monde un fils. Ce dernier mourut prématurément. Après avoir prié le Seigneur, Elisée se coucha sur l’enfant, « mit sa bouche sur sa bouche, ses yeux sur ses yeux, ses mains sur ses mains ; il resta étendu sur lui : le corps de l’enfant se réchauffa » (2 R 4, 35). Le prophète le remit vivant à sa mère ; « elle vint tomber à ses pieds, se prosterna à terre, puis emporta son fils et sortit ».

Jésus lui ne fait rien d’autre que s’adresser au jeune homme mort : « Je t’ordonne, réveille-toi ». Il n’est pas Elie et Elisée qui supplient Dieu et ressuscitent les morts au moyen de rituels et de gestes qui peuvent nous paraître insolites. Le Christ rend la vie par la seule puissance de sa parole. Et pour cause : il n’est pas seulement un grand prophète, il est le Dieu qui visite son peuple ; il n’est pas seulement porteur de la parole du Seigneur, comme Elie, il est la Parole vivante de Dieu à l’origine de toute vie. L’intention de Luc semble évidente : par le parallèle entre Elie et Elisée, d’une part, et le Seigneur Jésus, d’autre part, il nous montre comment la force dont les prophètes anciens étaient porteurs resplendit dans toute sa plénitude dans le Christ.

C’est ce que dit saint Grégoire Palamas, évêque de Thessalonique au XIVe siècle, un des plus remarquables mystiques de l’Eglise orientale : « Les Prophètes avaient pour auxiliaires leur propre foi et la piété de ces deux mères endeuillées, mais Elie ne s’en est pas contenté ; il invoqua Dieu en gémissant : ‘Seigneur, mon Dieu, veux-tu du mal même à cette veuve chez qui je suis venu en émigré, au point que tu fasses mourir son fils ?’ Puis il s’adressa de nouveau au Seigneur et dit : ‘Seigneur, mon Dieu, que le souffle de cet enfant revienne en lui !’ Et il en fut ainsi. Quant à Elisée, il ne s’est pas seulement étendu sur l’enfant et fait sept allers-venus dans la maison, mais, comme il est écrit, ‘il pria le Seigneur’ et ramena ainsi à la vie le fils de la Shounamite. En revanche, notre Seigneur Jésus-Christ, selon le témoignage de l’Evangile que nous lisons aujourd’hui, a eu pitié de la veuve dont le fils mort était sur le point d’être porté en terre, et sans le moindre délai, sans rien entreprendre, sans même prier, rendit à la mère éplorée son fils unique ramené à la vie par sa seule volonté ; il fut ainsi le seul à nous montrer qu’il est le Seigneur de la vie et de la mort » (Homélie LXII).

Dimanche 21 Octobre 2012
Alexandre Siniakov