« Qui échappe à toutes les convoitises du monde devient inaccessible à toute tristesse du monde ». Homélie du dimanche 30 novembre 2014



De l'Évangile selon saint Luc 12, 16-21 :

Le Seigneur dit cette parabole : « Il y avait un homme riche dont la terre avait bien rapporté. Et il se demandait : “Que vais-je faire ? car je n’ai pas où rassembler ma récolte.” Puis il se dit : “Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j’en bâtirai de plus grands et j’y rassemblerai tout mon blé et mes biens.” Et je me dirai à moi-même : “Te voilà avec quantité de biens en réserve pour de longues années ; repose-toi, mange, bois, fais bombance.” Mais Dieu lui dit : “Insensé, cette nuit même on te redemande ta vie, et ce que tu as préparé, qui donc l’aura ?” Voilà ce qui arrive à celui qui amasse un trésor pour lui-même au lieu de s’enrichir auprès de Dieu. »

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Frères et sœurs, à en juger par cette parabole sur le riche apaisé, notre Seigneur Jésus-Christ n’est pas un partisan de l’épargne ni de l’assurance. La prévoyance financière n’est pas la qualité qu’il attend de ses disciples.

Aujourd’hui, peu de gens se moqueront du conseil du Christ à ne pas se reposer sur les richesses et à ne jamais les considérer comme définitivement acquises ; peut-être plus qu’à aucune époque, la richesse matérielle est aujourd’hui éphémère : il est facile de perdre des millions et des milliards gagnés de façon virtuelle en une seule nuit, ou plutôt en une seule journée de travail des bourses. Nos contemporains, pour la plupart d’entre eux, connaissent bien cette leçon : si tu veux la paix, fuis les richesses ; si tu veux être tranquille, ne t'embarrasse pas des grandes possessions. Le bonheur est plus fréquent chez les gens qui savent se satisfaire de peu de choses. Comme disait Maxime le Confesseur, « qui échappe à toutes les convoitises du monde devient inaccessible à toute tristesse du monde » (Centuries sur la charité I, 22). Le désir de suivre cette règle a donné naissance, en Orient et en Occident, au monachisme.

Cependant, Jésus veut que ses disciples soient riches, parce qu’il y a une autre forme de richesse que matérielle, il y a d’autres trésors que l’argent. « S’enrichir auprès de Dieu » : c’est le programme économique de Jésus-Christ. Son mode de fonctionnement, c’est l’investissement : plus on investit dans les autres, plus on gagne. Sa doctrine de fond, c’est l’amour ou la charité. Dans le système économique de Jésus-Christ on gagne en dépensant, à condition que cela ne soit pas pour soi, mais pour les autres. Tout ce que l’on a pas donné est perdu. Saint Maxime le Confesseur résume bien ce comportement dans ses Centuries sur la charité : « Qui aime Dieu aime aussi son prochain sans réserve. Bien incapable de garder ses richesses, il les dépense, comme Dieu, fournissant à chacun ce dont il a besoin » (I, 23).

Dans le projet économique du Christ il y a une prévoyance, mais qui n’a rien à voir avec l’assurance-vie. C’est le souvenir de la mort, la conscience de sa fragilité, la reconnaissance de ses limites et l’expérience du caractère infiniment bref, éphémère de la vie sur terre. Ce souvenir de la mort nous aide à être encore plus dépensiers pour les autres, parce qu’il nous rappelle la nature relative et illusoire de toute possession. Pour finir, écoutez ce magnifique conseil du sage Siracide : « Tends la main au mendiant, pour que tu sois pleinement béni. Que la faveur de tes dons aille à tous les vivants, au mort même ne refuse pas ta grâce. Ne te détourne pas de ceux qui pleurent, avec les affligés, afflige-toi. N’hésite pas à visiter les malades ; c’est pour de telles actions que tu seras aimé. Quoi que tu fasses, souviens-toi de ta fin et jamais tu ne pécheras » (Si 7, 32-36).

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Photo: icône du Christ Sauveur de l'iconostase de l'église en bois du Séminaire à Épinay-sous-Sénart

Dimanche 30 Novembre 2014
Alexandre Siniakov