"Le pouvoir, c'est la foi... Tout est possible à celui qui croit", homélie du dimanche 14 avril 2013



Mc 9, 17-31 : En ce temps-là, un homme s’approcha de Jésus et lui dit : « Maître, je t'ai amené mon fils : il a un esprit muet. L'esprit s'empare de lui n'importe où, il le jette à terre, et l'enfant écume, grince des dents et devient raide. J'ai dit à tes disciples de le chasser, et ils n'en ont pas eu la force. » Prenant la parole, Jésus leur dit : « Génération incrédule, jusqu'à quand serai-je auprès de vous ? Jusqu'à quand aurai-je à vous supporter ? Amenez-le-moi. » Ils le lui amenèrent. Dès qu'il vit Jésus, l'esprit se mit à agiter l'enfant de convulsions ; celui-ci, tombant par terre, se roulait en écumant. Jésus demanda au père : « Depuis combien de temps cela lui arrive-t-il ? » Il dit : « Depuis son enfance. Souvent l'esprit l'a jeté dans le feu ou dans l'eau pour le faire périr. Mais si tu peux quelque chose, viens à notre secours, par pitié pour nous. » Jésus lui dit : « Si tu peux !... Tout est possible à celui qui croit. » Aussitôt le père de l'enfant s'écria : « Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! » Jésus, voyant la foule s'attrouper, menaça l'esprit impur : « Esprit sourd et muet, je te l'ordonne, sors de cet enfant et n'y rentre plus ! » Avec des cris et de violentes convulsions, l'esprit sortit. L'enfant devint comme mort, si bien que tous disaient : « Il est mort. » Mais Jésus, en lui prenant la main, le fit lever et il se mit debout. Quand Jésus fut rentré à la maison, ses disciples lui demandèrent en particulier : « Et nous, pourquoi n'avons-nous pu chasser cet esprit ? » Il leur dit : « Ce genre d'esprit, rien ne peut le faire sortir, que la prière. » Partis de là, ils traversaient la Galilée et Jésus ne voulait pas qu'on le sache. Car il enseignait ses disciples et leur disait : « Le Fils de l'homme va être livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, lorsqu'il aura été tué, trois jours après il ressuscitera. »

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Chers amis, depuis que j’ai commencé à lire l’Évangile, je me suis toujours demandé pourquoi les apôtres n’ont pas réussi à guérir le jeune démoniaque. La réponse que le Seigneur leur donne n’explique pas cette impuissance, mais indique la façon dont on se débarrasse de telles possessions : « Ce genre d’esprit, rien ne peut le faire sortir, que la prière ». D’ailleurs, la version byzantine de cette péricope évangélique, celle qui est utilisée dans la liturgie orthodoxe, ajoute à la prière le jeûne. Donc, la prière et le jeûne sont nécessaires pour faire sortir l’esprit muet. Est-ce que les apôtres les ignoraient ? On sait des Évangiles qu’ils jeûnaient peu, du moins pendant que le Seigneur Jésus était avec eux, mais ils pratiquaient certainement la prière. Ils arrivaient en tout cas à chasser les démons au nom du Christ : « Les soixante-dix revinrent tout joyeux disant : ‘Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom ! Il leur dit : ‘Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair ! Voici que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds serpents, scorpions, et toute la puissance de l’Ennemi, et rien ne pourra vous nuire » (Lc 10, 17-19). Alors, pourquoi cela n’a pas marché cette fois-ci ? Pourquoi l’intervention des apôtres est-elle restée stérile ?

Je n’ai toujours pas de réponse formelle à cette question. Mais j’ai le début d’une hypothèse dont j’aimerais vous faire part maintenant. Et si l’impossibilité des apôtres à exorciser le jeune de cet épisode évangélique était pédagogique ? Si c’était une leçon pour rappeler que, certes, l’invocation du nom du Christ peut chasser les démons, guérir et libérer, mais que la force dont disposent les disciples de Jésus est d’autant plus efficace qu’elle s’accompagne de la prière et du jeûne qui sont deux piliers de l’humilité ? Ainsi, des esprits comme celui dont nous venons d’entendre partent quand l’invocation du nom du Christ s’accompagne d’une vraie humilité de disciple et celle-ci se manifeste surtout dans la prière. En effet, celui qui prie demande de l’aide à un autre que lui. En l’occurrence, la prière exprime notre besoin du soutien divin, du concours du Seigneur, de son intervention.

C’est dans la prière que se révèle notre foi dans la capacité et la volonté de Dieu de sauver ceux qui acceptent sa grâce, de venir en aide à ceux qui l’invoquent, de combler les lacunes de ceux qui demandent son aide. Voilà pourquoi la prière est nécessaire : elle témoigne de l’existence chez celui qui prie de la foi et celle-ci rend possible les choses les plus incroyables. « Tout est possible à celui qui croit », parce qu’il peut demander, en prière au Créateur de toute chose, d’accomplir ce qui serait au-delà de ses forces. Et nous savons qu’il n’y a rien d’impossible à Dieu. Il n’y a donc rien d'infaisable à celui qui croit dans la possibilité d’une synergie entre l’homme et son Créateur tout-puissant. La foi, exprimée dans la prière, nous ouvre des perspectives sans limites. Ainsi, tout est possible à celui qui prie, parce qu’il peut demander au Seigneur de combler son manque foi.

Pour cette raison, le désespoir n’est pas un état normal pour un chrétien. La foi exclut le pessimisme. La prière écarte le découragement. En principe, un chrétien n’a peur de rien, il ne fuit aucun défi, il n’esquive pas les difficultés, il ne se laisse pas intimider par les obstacles et les problèmes. Pourtant, ce n’est pas un être auto-suffisant, ni un téméraire qui compte sur sa propre puissance. L’optimisme du chrétien ne provient pas de l’autosuffisance, mais de la foi. Il n’a pas peur du danger non par bravoure aveugle, mais parce qu’il sait combien la prière est efficace quand elle est adressé à Dieu de bon cœur et avec humilité. Un chrétien croit dans sa réussite parce qu’il sait que sa faiblesse est compensée par la force du Seigneur dès l’instant où il accepte d’être aidé par le Créateur.

Heureusement que les apôtres n’ont pas pu guérir le jeune homme dont il est question dans l’Évangile. Les paroles du Seigneur sur la prière complètent et concrétisent ce qu’il a déclaré au sujet de la toute-puissance de la foi. Si cela ne rassure pas les plus pusillanimes entre nous, alors rien ne pourra remédier à leur angoisse et à leur manque de confiance en eux-mêmes ou plutôt en la force de la foi dans ce Dieu qui vient toujours à notre secours pour combler nos faiblesses, dès que nous le lui demandons en prière.
"Le pouvoir, c'est la foi... Tout est possible à celui qui croit", homélie du dimanche 14 avril 2013

Dimanche 14 Avril 2013
Alexandre Siniakov