Homélie pour le Mercredi Saint



Homélie pour le Mercredi Saint
Avec l’évocation de cette femme merveilleuse qui verse du parfum précieux sur le Seigneur, pour le préparer à sa sépulture, nous entrons pleinement dans les trois jours de célébration de la Passion du Christ. Comme chaque année, en faisant mémoire de la mort du Seigneur, il nous faudra répondre de nouveau aux questions : pourquoi il a fallu que le salut de l’homme passe par les souffrances du Verbe incarné et comment l’humanité en est-il arrivé à crucifier son propre Sauveur ?

J’aimerais commencer cette réflexion aujourd’hui par l’évocation de la figure de Job. Vous savez que, pendant les quatre premiers jours de la Semaine Sainte, nous lisons aux vêpres le prologue et la conclusion du Livre de Job, un des plus mystérieux et extraordinaires de l’Ancien Testament. Le récit des souffrances de Job nous introduit à la Passion du Christ. Et c’est la meilleure introduction qui puisse y avoir au mystère de la mort et de la résurrection du Seigneur.

Il serait prétentieux de vouloir résumer le contenu hautement poétique et envoûtant du Livre de Job dans une petite homélie. Il faut lire ce chef-d’œuvre biblique avec les dialogues époustouflants de Job avec ses trois amis, avec l’intervention du mystérieux Élihu avec la louange de la Sagesse de Dieu, incompréhensible pour l’homme. Et surtout les discours de Dieu à Job, remplis d’ironie, mais aussi de compassion et d’amour.

Il faut lire les propos de Job, pleins d’amertume et d’audace, apostrophant son Créateur avec courage et droiture. Comme, dans ce passage qui a été mis en musique d’une façon admirable par l’espagnol Tomas Luis de Victoria : « Puisque la vie m’est en dégoût, dit Job, je veux donner libre cours à ma plainte, je veux parler dans l’amertume de mon âme. Je dirai à Dieu : ne me condamne pas, indique-moi pourquoi tu me prends à partie. Est-ce bien pour toi de me faire violence, de rejeter l’œuvre de tes mains et de favoriser les desseins des méchants ?.. Tes mains m’ont façonné, créé, puis, te ravisant, tu voudrais me détruite ! Souviens-toi : tu m’as fait comme on pétrit l’argile et tu me renverras à la poussière ».

Il y a deux conclusions à tirer de l’histoire de Job :

La première, c’est que la souffrance de l’homme n’est pas nécessairement une punition de la part de Dieu. Contrairement à ce qu’affirmaient les amis de Job que Dieu a ouvertement désavoués, l’homme ne souffre pas obligatoirement pour avoir commis un mal. Ainsi, Job a été voué à la souffrance non pas pour avoir péché, mais à cause d’un pari que Dieu a fait avec Satan. La disparition de ses biens, la mort de ses enfants, le départ de sa femme, une répugnante maladie, tout cela Job l’a enduré non pas parce qu’il le méritait, mais parce que cela faisait partie du dessein de Dieu. C’est là que Job est l’image du Seigneur. En effet, le Christ n’a pas été torturé et mis à mort pour expier ses fautes, mais pour sauver les multitudes. C’est notre réponse, de chrétiens, à la question douloureuse de l’humanité sur la présence du mal dans le monde, du mal souvent injustifié et gratuit. Ainsi, par l’exemple de Job, mais surtout grâce à la passion du Christ, nous savons que la souffrance des justes fait partie du dessein salutaire de Dieu qui confond Satan par la persévérance et le sacrifice de ses saints et surtout par la mort et la résurrection de son Fils unique. Tout le livre de Job montre que Dieu n’est pas tant un juge qu’un créateur, on voudrait presque dire un Artiste soucieux de la pureté et du salut de son œuvre. Sa logique nous échappe totalement, mais nous ne pouvons pas nous dérober. Se révolter contre la logique du Créateur serait aussi absurde que de reprocher à nos parents notre propre naissance. Job nous l'a appris.

La deuxième leçon à tirer du témoignage de Job est que le juste ne doit pas craindre de se retrouver entre les mains de Dieu, les mains qui l’ont formé et façonné. L’homme ne doit pas avoir peur du châtiment de Dieu, mais avoir une confiance totale dans la miséricorde de son Créateur. En effet, comme dit Job, nul ne peut échapper à la puissance du Très-Haut. Et comme disait un autre sage, mais sans doute bien moins intègre que Job, - il s’agit de Socrate – pourquoi craindre ce qui est inévitable ? Aucun de nous n’échappera aux mains de Dieu, mais nous nous y remettons en pleine confiance et avec audace sachant que le Verbe lui-même a voulu endurer la passion non pas pour nous juger ou nous condamner, mais pour nous ramener dans la maison paternelle.

Mercredi 20 Avril 2011
Séminaire Russe