Homélie pour la fête de la Pentecôte



Homélie pour la fête de la Pentecôte
Chers frères et sœurs, le cinquantième jour après Pâques, c’est la fête de la plénitude que nous célébrons. C’est l’accomplissement de l’œuvre créatrice de Dieu, l’achèvement du dessein de la Trinité divine à notre égard, la pleine réalisation de notre salut, l’avènement du Royaume des cieux, l’anticipation de la fin de l’histoire humaine. « C’est la Pentecôte que nous célébrons, la venue de l’Esprit, l’échéance de la promesse et la réalisation de l’espérance. Quel mystère ! Qu’il est grand et vénérable ! » avons-nous chanté hier dans la première stichère des vêpres qui reprend mot pour mot le Discours 41 de Grégoire le Théologien sur la Pentecôte. Et saint Grégoire poursuit : « ce qui a trait au corps du Christ s’achève, ou plutôt ce qui regarde son séjour corporel parmi nous […] et voici que commence ce qui a trait à l’Esprit » (Or. 41, 5).

Aujourd’hui, Dieu Trinité se découvre à nous pleinement par l’avènement de l’Esprit. Aujourd’hui, les promesses divines s’accomplissent. Et qu’est-ce que Dieu nous a promis ? Que l’Esprit viendrait et nous enseignerait tout ce que nous devons savoir pour notre salut. Il est arrivé, l’Esprit de Dieu. Il nous a dévoilé les mystères de l’amour trinitaire. Il nous a gratifiés de la connaissance de Dieu – connaissance qui nous sauve vraiment. Vous n’avez pas oublié ce que le Seigneur nous avait dit : « Le salut, c’est qu’ils te connaissent toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé Jésus-Christ » ? L’Esprit nous a donné ce savoir salutaire ; il nous transfigure par la contemplation du mystère de Dieu. Depuis que nous l’avons reçu, c’est lui qui prie en nous Dieu le Père par le Fils ; c’est lui qui nourrit notre foi ; c’est lui qui maintient notre espérance dans le pardon et le salut de Dieu.

Etre le temple de l’Esprit Saint est un honneur immense pour l’homme. C’est la grâce la plus grande qui nous a jamais été faite. Il y a trois choses dont l’homme peut vraiment être fier : la première, c’est d’être aimé par le Père ; la seconde, d’avoir été assumé par le Fils, racheté par sa mort ; la troisième, d’être le temple de l’Esprit. Ces trois faits sont les seuls dont nous pouvons nous glorifier. C’est là que réside la vraie dignité de l’homme, fruit de l’amour du Dieu trinitaire, et cette dignité est grande !

Chers frères et sœurs, heureux sommes-nous d’avoir trouvé dans la connaissance de l’économie divine l’assurance de notre salut et la certitude d’être vraiment aimés et respectés. Je suis honoré d’avoir en face de moi ceux que Dieu a aimés au point de livrer pour eux son propre Fils unique ; je suis honoré de prêcher à ceux qui sont les temples vivants de l’Esprit divin. Car l’Esprit est vraiment Dieu, en tout égal au Père qui vous aime et au Fils qui vous a sauvés. « L’Esprit, dit Grégoire de Nazianze, était toujours, il est et il sera : il n’a pas commencé et il ne finira point ; toujours il est uni au Père et au Fils et compté avec eux […]. Depuis toujours l’Esprit se communique sans participer à d’autres ; il perfectionne, mais ne tient pas d’ailleurs sa perfection ; il remplit, mais il n’est pas rempli ; il sanctifie, mais il n’est pas sanctifié ; il déifie, mais il n’est pas déifié ; il est toujours identique à lui-même et à Ceux auxquels il est uni ; il est invisible ; il est hors du temps ; il est hors de l’espace ; il ne change pas ; il n’a ni qualité, ni quantité, ni forme extérieure, ni réalité tangible ; il se meut lui-même, il se meut sans cesse ; il est libre ; il est puissant par lui-même et il est tout-puissant » (Or 41, 9). L’Esprit qui est en vous est l’Esprit d’adoption, de vérité, de sagesse, d’intelligence, de science, de piété, de conseil, de force.

La dignité que nous tenons de l’Esprit est incompatible avec l’orgueil, la jalousie et l’isolement. Notre dignité de fils de Dieu, de temple de l’Esprit, est une grâce qui se partage. Savez-vous comment être sûr d’avoir reçu la grâce de l’Esprit ? Je vais vous donner un moyen de vérifier si vous êtes ou non le temple de l’Esprit-Saint. Nous avons lu hier aux vêpres le récit des Nombres qui décrit l’appel des soixante-dix chefs du peuple d’Israël. Dieu a demandé à Moïse de choisir soixante-dix anciens d’Israël pour répandre sur eux le même Esprit qui habitait Moïse. Ces soixante-dix anciens devaient aider Moïse à guider le peuple. Je vous lis la suite du récit : « Moïse réunit soixante-dix anciens du peuple et les plaça autour de la Tente. Le Seigneur descendit dans la nuée. Il lui parla et prit de l’Esprit qui reposait sur lui pour le mettre sur les soixante-dix anciens. Quand l’Esprit reposa sur eux, ils prophétisèrent, mais ils ne recommencèrent pas. Deux hommes étaient restés au camp ; l’un s’appelait Eldad et l’autre Médad. L’Esprit reposa sur eux ; bien que n’étant pas venus à la Tente, ils comptaient parmi les inscrits. Ils se mirent à prophétiser dans le camp. Un jeune homme courut l’annoncer à Moïse : ‘Voici Eldad et Médad, dit-il, qui prophétisent dans le camp’. Josué, fils de Nûn, qui depuis sa jeunesse servait Moïse, prit la parole et dit : ‘Moïse, Monseigneur, empêche-les !’ Moïse lui répondit : ‘Serais-tu jaloux pour moi ? Ah ! puisse tout le peuple du Seigneur être prophète, puisse tout le peuple recevoir son Esprit ! » (Nb 11, 24-29).

Si vous avez envie, chers frères et sœurs, de partager avec d’autres la grâce que vous avez reçue de Dieu, si vous brûlez de désir que d’autres personnes autour de vous, tous les hommes de la planète reçoivent l’Esprit de Dieu, alors il est certain que vous l’avez reçu vous-mêmes. Si vous désirez que tous les hommes soient sauvés, vous avez manifestement l’Esprit de Dieu. Si vous admettez ou, pire encore, souhaitez la perte ne serait-ce que d’une seule personne, il est possible que l’Esprit Saint n’habite pas en vous.

Celui qui a découvert la profondeur de l’amour de Dieu, n’a qu’une seule envie, c’est de la partager avec les autres. Celui qui est devenu temple de l’Esprit Saint, n’a qu’un seul désir, celui d’associer à cette grâce tous ceux qui sont autour de lui. Oui, vraiment, prions avec Moïse et les apôtres du Christ, que le nombre de ceux qui acceptent la venue dans leur cœur de l’Esprit de sainteté grandisse sans cesse. Ne soyons pas mesquins, ni jaloux en excluant tel ou tel de nos semblables de l’amour de Dieu, en souhaitant voir tel ou tel homme, même le plus indigne, privé du salut et du bonheur éternels. Prions, en cette fête de plénitude, pour que l’Esprit du Seigneur se répande sur chaque homme et sur l’humanité tout entière, que la lumière de la Trinité nous éclaire tous, que le dessein salutaire du Créateur se réalise pleinement pour chaque être vivant et que tous nous participions à la joie sans fin du Père, du Fils et de l’Esprit dans le royaume éternel.

Dimanche 3 Juin 2012
Alexandre Siniakov