Homélie le deuxième dimanche de la Pentecôte



Homélie le deuxième dimanche de la Pentecôte
Chers frères et sœurs, en cette fête de tous les saints de la terre russe, puis-je vous proposer une modeste réflexion sur le sens des commémorations « groupées » des saints ? Vous vous souvenez que dimanche dernier, nous avons fêté tous les saints de tous les temps et de toutes les nations. Très régulièrement, notre Église célèbre le « chœur » des saints de tel ou tel monastère, de telle ou telle région ou ville. D’ailleurs, aujourd’hui, c’est aussi la fête de tous les saints du Mont Athos.

Quelle est donc la signification de telles célébrations communes des saints ? N’est-ce pas une façon de nous faire réfléchir à la profonde unité naturelle de la sainteté et au caractère collectif du salut dans lequel nous croyons ? N’est-ce pas un moyen de nous rappeler non seulement l’unité des saints, mais aussi celle du genre humain tout entier ?

L’humanité est une. Son unité naturelle a été altérée par le péché, mais elle n’a jamais été détruite. C’est l’unique nature humaine qui existe dans la multiplicité des personnes ou hypostases. Aussi différents que nous soyons, nous sommes consubstantiels les uns aux autres. Même quand nous nous détestons, quand nous nous détruisons mutuellement, nous sommes une seule humanité, appelée toute entière au salut. Nous n’aimons pas le reconnaître, mais malgré les différences de races, de cultures, de religions, nous constituons un seul homme, destiné tout entier à la divinisation. Que nous le voulions ou non, nous sommes intimement liés les uns aux autres par une force invisible. Nous voudrions bien détruire ce lien, anéantir cette cohésion, mais on ne peut vaincre la nature que Dieu a conçue et façonnée dans l’unité. Aussi minoritaire, méprisée et persécutée qu’elle soit, l’Église manifeste cette unité originelle du genre humain. Les saints y sont les personnes humaines qui ont particulièrement contribué à restaurer et à renforcer la communion naturelle de l’humanité par une plus grande unité avec Dieu.

Nous aimons et vénérons nos saints en vertu de la solidarité et de l’unité du genre humain. Nous nous associons à leurs vertus, à leurs souffrances, à leur témoignage, à leurs efforts pour faire avancer ensemble l’humanité vers son unité eschatologique, l’unité accomplie dans le Christ Jésus. Le salut n’est pas une affaire individuelle. Si le salut était personnel, il n’y aurait pas eu d’Église, nous n’aurions pas vénéré les saints. Mais le salut dans le Christ n’est pas privé : il est universel. L’Église avance vers l’unité eschatologique par les efforts conjoints de tous ceux qui la composent. Et avec l’Église, c’est l’humanité tout entière qui chemine lentement, douloureusement, vers son objectif – l’unité dans le Christ. Nous avons été créés à l’image de Dieu pour être un avec Dieu et composer l’unique Corps de son Christ.

Je ne peux résister au désir de vous proposer en conclusion cette longue et magnifique citation de saint Maxime le Confesseur sur l’unité paradoxale de la condition humaine qui commence par le rappel de l’unité merveilleuse de l’âme et du corps en chacun de nous : « Puisque Dieu dans sa bonté a fait l’homme âme et corps et que l’âme lui a été donné logique et noétique, c’est-à-dire existant à l’image de Celui qui l’a faite, il lui appartient d’une part de s’ancrer dans la connaissance de Dieu en son élan vers lui et, en l’aimant de toute sa force, d’acquérir par la ressemblance d’être déifié. D’autre part, en prévoyance du relâchement [d’Adam] et selon le commandement d’aimer son prochain comme soi-même, elle s’attache prudemment au corps, elle le raisonne par ses vertus et l’unit intimement à Dieu voyant en le corps un compagnon d’esclavage partageant sa demeure, agissant par sa médiation, voulant considérer Celui qui les a liés ensemble [c’est-à-dire Dieu] comme le lien lui-même, indestructible, de l’immortalité qui lui a été donnée. En sorte que ce que Dieu est pour l’âme, l’âme le soit pour le corps, et que le Créateur de toute chose manifeste comme l’un, couvrant analogiquement, par sa qualité d’homme, tous les êtres, et que cette foule d’individus éloignés les uns des autres en vienne à l’unité, trouvant leur convergence réciproque dans la seule nature de l’homme, et que Dieu soit tout en tous comprenant et hypostasiant tout en lui ».

Puissions-nous, avec tous les saints que nous célébrons aujourd’hui, contribuer, nous aussi, même modestement, à ce dessein magnifique de l'unité que Dieu a conçu pour son image.

Dimanche 6 Juin 2010
Séminaire russe