La vertu, symptôme et manifestation extérieure de la foi chrétienne. Homélie du dimanche 27 janvier 2013



La vertu, symptôme et manifestation extérieure de la foi chrétienne. Homélie du dimanche 27 janvier 2013
Col 3, 12-16:

Frères, puisque vous êtes élus, sanctifiés, aimés par Dieu, revêtez donc des sentiments de compassion, de bienveillance, d'humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous les uns les autres, et si l'un a un grief contre l'autre, pardonnez-vous mutuellement ; comme le Seigneur vous a pardonné, faites de même, vous aussi. Et par-dessus tout, revêtez l'amour : c'est le lien parfait. Que règne en vos cœurs la paix du Christ, à laquelle vous avez été appelés tous en un seul corps. Vivez dans l’action de grâce. Que la Parole du Christ habite parmi vous dans toute sa richesse : instruisez-vous et avertissez-vous les uns les autres avec pleine sagesse ; chantez à Dieu, dans vos cœurs, votre reconnaissance, par des psaumes, des hymnes et des chants inspirés par l'Esprit. Tout ce que vous pouvez dire ou faire, faites-le au nom du Seigneur Jésus, en rendant grâce par lui à Dieu le Père.

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Après avoir énuméré, dans le même chapitre trois de l’épître aux Colossiens, les vices incompatibles avec la nature renouvelée du chrétien, « dépouillé du vieil homme avec ses agissements » (Col 3, 9), saint Paul présente, dans le passage que nous venons d’entendre, la façon d’agir de l’homme nouveau, les relations qui caractérisent le peuple de la nouvelle alliance, ce que nous appelons couramment les vertus. À la fin de cet exposé, l’apôtre souligne le caractère théocentrique, christocentrique de la morale chrétienne : « Tout ce que vous pouvez dire ou faire, faites-le au nom du Seigneur Jésus, en rendant grâce par lui à Dieu le Père ».

Ce caractère théocentrique de l’éthique évangélique, systématiquement affirmé par saint Paul, est le cœur de la pensée du célèbre théologien russe, exilé à Paris, Vladimir Lossky dans son Essai sur la théologie mystique de l’Église d’Orient. En se référant aux paroles de saint Séraphin de Sarov qui disait que « seules les bonnes œuvres faites au nom du Christ nous apportent les fruits du Saint-Esprit », Vladimir Lossky rappelle que « le bien autonome ne doit pas exister pour un chrétien : une œuvre est bonne en tant qu’elle sert à l’union avec Dieu, en tant qu’elle nous approprie la grâce. Les vertus ne sont pas la fin, mais les moyens ou plutôt les symptômes, les manifestations extérieures de la vie chrétienne, la seule fin étant l’acquisition de la grâce » du Saint-Esprit.

Le christianisme est, sur ce plan-là, très surprenant. Même si nous, chrétiens, en avons quelquefois donné une image contraire, il n’est pas avant tout une morale. La morale est l’effet certes indispensable, mais secondaire de la foi chrétienne. Comme le dit Lossky, c’est un symptôme, une manifestation extérieure de la vie chrétienne qui est une attente du Règne de Dieu et une aspiration à la divinisation au moyen de la grâce de l’Esprit Saint. Cette grâce divine qui nous sauve et nous transfigure « n’est pas une récompense du mérite de la volonté humaine, comme l’aurait voulu le pélagianisme ; mais elle n’est pas, non plus, la cause des ‘actes méritoires’ de notre libre arbitre. Car il ne s’agit pas de mérites, mais d’une coopération, d’une synergie des deux volontés, divine et humaine, accord dans lequel la grâce s’épanouit de plus en plus, se trouve appropriée, acquise par la personne humaine. La grâce est une présence de Dieu en nous qui exige de notre part des efforts constants. Cependant, ces efforts ne déterminent nullement la grâce, ni la grâce ne meut notre liberté comme une force qui lui serait étrangère ».

Tel est le paradoxe du salut auquel nous croyons qui est autant l’œuvre de la Trinité que celle de chacun de nous. La main tendue par Dieu, la grâce qu’il nous donne, nous invite à un mode de vie nouveau, à un changement, à une vraie conversion. C’est pourquoi Paul dit : « Puisque vous êtes élus, sanctifiés, aimés par Dieu, revêtez donc des sentiments de compassion, de bienveillance, d'humilité, de douceur, de patience ». Et Vladimir Lossky ajoute : « Dieu nous a donné dans l’Église toutes les conditions objectives, tous les moyens pour atteindre cette fin {le salut par la divinisation}, mais il faut que nous produisions, de notre côté, les conditions subjectives nécessaires, car l’union se réalise dans la ‘synergie’, dans une coopération de l’homme avec Dieu. Ce côté subjectif de l’union avec Dieu – dont les manifestations sont si bien exposées dans le passage que nous avons entendu aujourd’hui de la lettre aux Colossiens – constitue la voie de l’union qui est la vie chrétienne ».

Dimanche 27 Janvier 2013
Alexandre Siniakov