"Il faut une cohérence entre le dernier Repas du Seigneur et la liturgie célébrée par l'Église aujourd'hui", homélie du Jeudi Saint



"Il faut une cohérence entre le dernier Repas du Seigneur et la liturgie célébrée par l'Église aujourd'hui", homélie du Jeudi Saint
Le Maître lave les pieds de ses disciples, le Seigneur se donne en nourriture à ses fidèles, l’Agneau est immolé pour les fautes des autres, le Verbe se sacrifie pour son image, Dieu meurt pour ses amis, le Fils de l’homme ressuscite et détruit l'enfer. Ces événements inouïs, que nous célébrerons pendant les jours saints de Pâques, nous ont révélé le visage tout-à-fait inattendu de Dieu. Ils ont bouleversé notre conception de l’homme. Ils ont ébranlé nos croyances.

« Comprenez-vous ce que j’ai vous ai fait ? Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Car c’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j’ai fait pour vous » (Jn 13, 14-15). Ce qui s’est passé au cours de ce dernier repas du Seigneur Jésus avec ses disciples, où il leur a donné son Corps et son Sang en nourriture et leur a révélé la grandeur de son abaissement, nous le revivons à chaque Eucharistie, pour avoir toujours devant les yeux le sacrifice du Verbe incarné, son humilité. Mais, pouvez-vous me dire, chers frères et sœurs, en mettant la main sur le cœur, que vous êtes convaincus qu’aujourd’hui, dans l’Église du Christ, nous suivons bien l’exemple que le Seigneur nous a donné ? Je crains quelquefois que le Repas du Seigneur, la divine liturgie, ne soit, pour un grand nombre d’entre nous, qu’un rite religieux, un simple culte, voire un beau spectacle avec des personnages déguisés, revêtus de tissus brillants et portant des toques en papier-mâché.

« Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 11, 26). Le souvenir de la mort du Christ, l’attente de son retour sont-ils toujours présents dans nos assemblées liturgiques ? Je suis convaincu que les traditions cultuelles sont extrêmement précieuses, que l’héritage culturel enrichit énormément la liturgie, à condition qu’ils ne dissimulent pas ce qui est fondamental dans l’Eucharistie : le souvenir de la mort salutaire du Verbe incarné, l’action de grâce pour son amour et son humilité et l’annonce de sa résurrection et de son retour certain et proche.

Il ne doit y avoir aucune contradiction entre le dernier repas du Christ avec les apôtres et la liturgie célébrée par l’Église aujourd’hui. Il doit y avoir une continuité et une cohérence entre l’humilité du Seigneur au cours de la Cène et l’humilité des successeurs des apôtres, des ministres de l’Église, non seulement au cours de la célébration liturgique, mais aussi dans leur mission auprès du peuple de Dieu. Les rapports entre Jésus et ses disciples doivent être le modèle pour les chrétiens aujourd’hui : amitié, simplicité, fidélité, confiance. Pour que la liturgie ecclésiale soit cohérente avec les repas du Christ avec ses disciples, avant et après sa résurrection, ne laissons pas les traditions culturelles et religieuses nous distraire de ce qui est le fondement de notre foi. Soit pour les chasubles bigarrées, les mitres bariolées, les klobouks en carton, les titres fantasques et faussement majestueux, mais ne laissons pas toutes ces belles choses nous distraire de l’essentiel : de la vision du Verbe de Dieu, devenu homme, qui lave les pieds de ses disciples, qui nous rachète de la mort par sa Croix, qui descend aux enfers pour en sortir Adam, son chef-d'oeuvre, et qui ressuscite pour nous ramener, avec lui, dans la gloire du Père.

Jeudi 2 Mai 2013
Alexandre Siniakov