"La charité naît de la liberté intérieure". Homélie pour la mémoire de saint Maxime le Confesseur



Les Centuries (ou cent chapitres) sur la charité de saint Maxime le Confesseur commencent par l’affirmation que l’amour est impossible là où il n’y a pas de liberté : « La charité est une disposition bonne de l’âme. Quant à parvenir à la possession habituelle de cette charité, c’est chose impossible tant qu’on garde une attache à quelque objet terrestre. La charité naît de la liberté intérieure » (Centuries sur la charité 1 et 2). Ailleurs, Maxime définit cette liberté : « La liberté intérieure est un état de paix dans lequel l’âme ne se porte plus au mal qu’avec difficulté » (Centurie 36). Mais plus loin, Maxime affirme d’une manière plus radicale l’importance du détachement pour l'exercice de la charité : « Ne pas mépriser gloire et obscurité, richesse et pauvreté, plaisir et douleur, c’est n’avoir pas encore la charité parfaite. La charité parfaite méprise tout cela, mais encore la vie temporelle et la mort ».

Pour aimer, il faut être libre ; pour avoir la charité parfaite, il faut mépriser tout, y compris la vie et la mort. Que Maxime insiste sur cela n’est pas fortuit. Il est resté dans la mémoire de l’Église comme celui qui a supporté beaucoup de peines pour faire connaître Jésus, notre Seigneur, à la fois comme homme parfait et comme Dieu parfait, qui conserve la volonté, la liberté, l’énergie de chacune de ses deux natures et les fait concourir dans la réalisation du dessein du Père. Ce que Maxime dit sur la charité résonne particulièrement fort à la lumière de la christologie. L’exemple de l’amour parfait nous est donné par Jésus Christ. Cet amour a resplendi sur la Croix. Mais la Croix a non seulement révélé l’abîme sans fond de l’amour divin, mais aussi le respect sans faille de Dieu pour la liberté de l’homme. Si Dieu respecte tant la liberté des hommes, jusqu’à accepter qu’ils mettent à mort son Fils unique, c’est parce qu’il veut être aimé des hommes. Le Père a renoncé à la violence pour sauver l’humanité, parce que le salut est précisément l’amour désintéressé, libre et total de Dieu. Le Fils a renoncé à sa gloire et à l’usage de la force divine en s’adressant aux hommes pour que ceux-ci croient en lui et ne soient pas seulement subjugués par sa puissance. Dieu n’a pas voulu nous soumettre, il n’a pas voulu nous envoûter, il a renoncé à sa puissance et à sa gloire pour la liberté de l’homme, parce que cette liberté est la condition sine qua non de l’amour. Instaurer entre Dieu et l’homme des relations aimantes, c’est la raison de l’incarnation du Verbe, c’est le but ultime de l’œuvre du salut opérée par Dieu que saint Jean n’hésite pas à appeler Amour.

Amour et liberté sont donc inséparablement liés. Saint Maxime dit même, dans la Centurie 81, que la liberté est la « mère de la charité ». La Croix de Jésus était là, sans doute, devant le regard de Maxime comme illustration de ce lien insécable. Qu’elle demeure toujours devant vos yeux également chers frères, pour vous rappeler à quel point Dieu veut que vous l’aimiez, par un mouvement libre et désintéressé de votre esprit. C’est ainsi que vous lui ressemblerez. C’est par l’amour que vous serez vraiment l’image de Dieu, que vous serez divinisés jusqu’à ne faire plus qu’un, ni par hypostase, ni par essence, mais par grâce, avec la divine et inaccessible Trinité.


Illustration: fresque de saint Maxime le Confesseur par Mme Émilie van Taack, sanctuaire de l'église intérieure du Séminaire orthodoxe russe d'Épinay-sous-Sénart

Mardi 3 Février 2015
Alexandre Siniakov