L'Église et les quatre amis du paralytique guéri par le Christ. Homélie pour le deuxième dimanche du Carême



Frères et sœurs bien-aimés, en réfléchissant à ce que j’allais vous dire aujourd’hui, j’ai d’abord pensé vous parler de ces merveilleuses paroles du Seigneur adressées aux pharisiens, après la guérison du paralytique : « Qu’y a-t-il de plus facile, de dire au paralysé : “Tes péchés sont pardonnés”, ou bien de dire : “Lève-toi, prends ton brancard et marche” ? » (Mc 2, 9). Le Christ y montre qu’il ne cherche pas à faire ce qui est facile, mais ce qui est essentiel : guérir immédiatement le paralytique, sans susciter de controverses ni de murmures, aurait été plus simple, mais pas primordial, pas profond. Le Seigneur ne fait pas des miracles pour épater le public : il les fait pour guérir l’homme, le transfigurer de l’intérieur. Le dessein salutaire de Dieu ne privilégie pas la facilité, mais s’attaque à la racine des maux. Guérir le paralytique par une simple parole : « Lève-toi, prends ton brancard et marche » aurait été un beau geste, mais insuffisant. Ce qui compte ce n’est pas une guérison passagère – parce que ce miraculé mourra quand même, plus tard, d’une autre façon – mais ce qui compte vraiment, c’est la paix avec Dieu, le pardon, c’est la réconciliation avec la Sagesse divine.

Ainsi, je voulais d’abord consacrer mon homélie à ces paroles et puis, une autre idée m’est venue : pourquoi ne pas dire quelques mots sur les quatre braves anonymes qui apportent le paralytique au Christ et font d’effort pour que leur ami soit présenté au Seigneur. Leur foi est à l’origine de la guérison de l’hémiplégique : « Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé : ‘Mon fils, tes péchés sont pardonnés’ » (Mc 2, 5).

Il me semble que ces quatre croyants anonymes et charitables sont une belle figure de la communion ecclésiale. Leur foi commune, leurs efforts, leur audace et leur solidarité ont permis à un malheureux de recouvrer l’usage de son corps. Je crois que c’est exactement ce qu’est l’Église : nous sommes un seul corps où chaque membre sert l’autre et compense ses déficiences. Dans l’Église, nous nous complétons mutuellement pour le salut de tous : les forts portent les faibles ; les saints aident les pécheurs ; les ascètes compensent les faiblesses des laxistes ; ceux qui ont la foi solide soutiennent les pusillanimes. L’Église n’a de sens que si elle est vraiment le lieu de l’échange des dons et des talents, pour le bien de tous, pour le salut de tous ses membres.

L’Église ne peut pas être un lieu d’exclusion. Si elle devient un tribunal des faibles et des pécheurs au lieu d’être un hôpital pour eux, elle trahit sa vocation. Si la solidarité est remplacée par le jugement et la méfiance, ce n’est plus une communion. L’Église ne peut pas être l’accusatrice de l’humanité, mais elle est cette communauté des quatre anonymes de l’Évangile de ce jour qui portent l’homme malade au Christ. La force de leur foi, leur confiance dans la puissance et l’amour du Seigneur ont sauvé le paralytique. Je suis convaincu que, de la même façon, la foi de l’Église sauvera l’humanité, aussi paralysée qu’elle soit. Je crois bien que c’est la raison de l’existence de l’Église : le Seigneur attend qu’elle lui apporte, coûte que coûte, même s’il faut pour cela démonter le toit des traditions ancestrales, des préjugés et des habitudes, l’humanité paralysée pour qu’il lui accorde la rémission de tous ses péchés, la réconcilie avec le Père et la ressuscite pour une vie éternelle, dans la lumière de la divine Trinité.

Dimanche 16 Mars 2014
Alexandre Siniakov