Homélie pour la fête de saint Philippe, un des sept premiers diacres



Homélie pour la fête de saint Philippe, un des sept premiers diacres
Frères et sœurs bien-aimés, nous avons lu hier soir aux vêpres le passage des Actes des apôtres qui parle de la prédication de saint Philippe, un des sept premiers diacres, à Samarie. Tout à l’heure, nous avons entendu le récit de sa rencontre avec l’eunuque de la reine d’Ethiopie. Puisque nous célébrons aujourd’hui la mémoire de cet homme apostolique, un des plus célèbres de la première génération des chrétiens de Jérusalem, je pense que c’est une excellente occasion de tirer quelques conclusions de son enseignement.

Personnellement, j’ai été marqué par la juxtaposition entre saint Philippe et le magicien Simon, de la ville de Samarie, qui a fini par se convertir au christianisme sous l’effet de la parole de Philippe. Je vous rappelle cet épisode : « Or il se trouvait déjà dans la ville un homme du nom de Simon qui faisait profession de magie et tenait dans l'émerveillement la population de la Samarie. Il prétendait être quelqu'un d'important, et tous s'attachaient à lui, du plus petit jusqu'au plus grand. ‘Cet homme, disait-on, est la Puissance de Dieu, celle qu'on appelle la Grande’. S'ils s'attachaient ainsi à lui, c'est qu'il les maintenait depuis longtemps dans l'émerveillement par ses sortilèges. Mais, ayant eu foi en Philippe qui leur annonçait la bonne nouvelle du Règne de Dieu et du nom de Jésus Christ, ils recevaient le baptême, hommes et femmes. Simon lui-même devint croyant à son tour, il reçut le baptême et ne lâchait plus Philippe. A regarder les grands signes et miracles qui avaient lieu, c'est lui en effet qui était émerveillé » (Ac 8, 9-13).

Vous ne trouvez pas qu’il y a une opposition entre les miracles qui accompagnent la prédication de Philippe et les tours de magie de ce Simon avant sa conversion ? Si nous saisissons la différence entre l’un et l’autre, nous comprendrons ce qui distingue la piété apostolique de l’occultisme pseudo-religieux. Je crois qu’il est important de le faire, à cause du risque de confusion, qui n’a pas totalement disparu, entre la foi chrétienne et une religiosité fantastique.

Voyons ce que les Actes disent de la prédication de Philippe : « Philippe, qui était descendu dans une ville de Samarie, y proclamait le Christ. Les foules unanimes s'attachaient aux paroles de Philippe, car on entendait parler des miracles qu'il faisait et on les voyait. Beaucoup d'esprits impurs en effet sortaient, en poussant de grands cris, de ceux qui en étaient possédés, et beaucoup de paralysés et d'infirmes furent guéris. Il y eut une grande joie dans cette ville » (Ac 8, 5-8). La parole de Philippe s’accompagne de miracles qui suscitent l’admiration du peuple. Simon le magicien fait aussi des sortilèges qui tiennent dans l'émerveillement la population de la Samarie. Mais qu’est-ce qui les distingue ?

D’abord, le fait que pour Philippe l’objectif, ce ne sont pas les miracles, mais la parole. Ce qu’il cherche, c’est annoncer le Christ Seigneur, pas à ensorceler ses auditeurs. Les miracles ne font qu’accompagner son message, en tant que preuves de la puissance du Verbe de Dieu. Ils ne sont pas la fin de la mission apostolique, mais leur effet secondaire. Pour Simon le magicien, les miracles sont bel et bien le but recherché : il veut émerveiller le peuple, se l’attacher, en se présentant comme la puissance de Dieu. Voilà la différence essentielle entre la mission apostolique et la religion magique : les apôtres sont les serviteurs du Verbe de Dieu, ils se présentent et agissent comme tels, en toute humilité et simplicité ; ils sont témoins du Christ Jésus, ils annoncent l’avènement du Règne de Dieu et le retour tout proche de l’unique Seigneur et Maître. Ce n’est pas à eux-mêmes qu’ils cherchent à attacher les gens, mais à Dieu et à son Christ. En revanche, les magiciens des religions épatantes se positionnent comme des maîtres ; ils se donnent des titres grandiloquents ; ils aiment se faire admirer et servir (se faire payer aussi). Ils manipulent le penchant des hommes pour le merveilleux, leur religiosité pour distraire et embellir leur quotidien.

Rien de tel pour la prédication apostolique : la foi chrétienne n’est pas une religion magique ni le culte du paranormal. Elle est l’attente du règne de Dieu, l’annonce de la résurrection du Christ, l’attente de son retour, l’espérance de la vie éternelle et le témoignage de l’amour et de la miséricorde de Dieu ; et tout cela fait naître, dans le peuple, « une grande joie ». En plus, le chrétien est convaincu que Dieu n’est pas un marchand : rien ne peut être acheté, vendu ou échangé dans les rapports avec le Créateur. Chez lui, tout est grâce.

Jeudi 24 Octobre 2013
Alexandre Siniakov